Le Père Nöel est entré par la porte. Le voleurs est sorti par la fenètre.


EXTRAIT 1

_ Regardez le beau sapin… Comme il est grand et bien décoré!

_ Oh oui ! il est trop grand ! 

_ Super, y’a plein de cadeaux » rajoute Albin en faisant référence aux décorations en forme de cadeaux au pied du sapin.

_ Y sont super gros !

_ Moi, je veux le bleu ! 

_ Non, c’est pour moi, c’est le plus gros… 

_ Mais non, le plus grand c’est le blanc 

_ Y’en a même des rouges ! 

Bon, j’interromps cet élan patriotique cependant rassuré : l’enthousiasme revient !

_ Nous allons nous asseoir autour des tables, comme les grands, ils nous attendent… Nos cadeaux sont à l’école. Ils nous attendent ! Le Père-Noël est passé pour nous à l’école… Léane ? Peux-tu emmener les premiers aux tables sur la gauche… merci… Vous suivez Léane… allez sans vous bousculer ! »

Je reste en retrait pour redonner un semblant d’ordre au troupeau qui sévit à l’arrière garde. Visiblement beaucoup en sont resté à des considérations chromatiques :

_ Oah ! le Bleu ! 

_ Ouaih ! Il est tout bleu et il est gros 

_ Moi, j’veux le blanc ! 

Si je n’interviens pas, cela va se terminer en feu d’artifice ! D’ailleurs, pourquoi au fait, cette décoration digne d’un quatorze juillet ? Je surprends Laëlle en train d’extraire subrepticement un tube de dragées aromatisées pour la toux, de sa poche, et d’essayer de l’ouvrir. La prise de la pastille, malgré le côté tricolore de la décoration, n’est pas de saison… Enfin si… Mais elle n’est pas autorisée : ce genre de produits ressemble étrangement à des médicaments plus actifs qui, pris inconsidérément, peuvent provoquer des accidents graves ! Donc, interdiction totale d’emporter des comprimés.

EXTRAIT 2

Je relis plusieurs fois le message et les événements entre eux.

Je cherche rapidement son numéro de téléphone dans le répertoire puis, tel ma petite nièce devant la « lettre à Elise », je le pianote plusieurs fois sans obtenir la tonalité voulue. Je me calme puis recommence pour entendre s’égrainer les sonneries dans le vide. Évidemment elle n’a pas eu encore le temps de rentrer.

Impossible de faire autre chose que d’attendre en essayant de se préparer à la discussion que j’imagine périlleuse… Dix minutes, plus tard, tel l’homme politique devant son miroir, je me lasse des réflexions futiles. Ma petite nièce a laissé place au Mozart débutant car je joue ma partition téléphonique avec trois doigts, sans commettre la moindre erreur. Une petite voix connue, mais triste me répond :

_ « Allo ? »

_ « Allo madame Lorcas ? C’est mons… Euh c’est Xavier… »

_ « Désolée… franchement… »

_ « Je voul… »

Elle a raccroché… Je la perçois comme le général, malade le jour de la remise des décorations, mélangeant diarrhées et récipiendaires… c’est à dire « mélant coliques et des primés »… plus affligée que vindicative. Pourtant elle ne souhaite pas s’entretenir avec moi. Je re-pianote avec le même brio, et le même nombre de doigts, la ritournelle d’appel.

Elle décroche sans parler, mais mon ouïe fine de musicien me fait comprendre qu’elle essaie à grand peine de réprimer des sanglots. Je… « tente », puisque Léane n’est pas là pour me voir, de déglutir sans bruit… puis avec le sentiment de retour en arrière impossible, à l’instar du mafieux ayant les pieds dans le béton, je me jette à l’eau.